452

Des documents exceptionnels sur la Grue Noire retrouvés !

Date de publication : 04/07/2023

Lancée en 2022, la restauration de la grue noire se poursuit jusqu’au mois de juillet. Entre temps, de précieux documents concernant ce vestige de l’histoire navale nantaise ont été retrouvés par le fils du concepteur de la grue. Retour sur cette découverte exceptionnelle.


Robert Lesoult, le père de la Grue Noire

Il y a quelques mois, Rémy Lesoult est interpellé par par son cousin Gérard Lesoult afin de savoir s’il conservait des plans de la grue noire provenant de son père, Robert Lesoult. Dans les années 1940, ce Nantais exerçait la fonction de responsable d’étude des appareils de levage pour les Chantiers de la Loire. Sans être ingénieur diplômé, il avait été très jeune formé par un maître, le « Père » Grenier, ainsi qu’il était courant à l’époque. Ce dernier était ingénieur spécialiste des charpentes métalliques. Robert Lesoult avait également suivi les cours de formation aux techniques de l’ingénieur édités par l’Alliance Industrielle, « une Association Belge d’ingénieurs dessinateurs, et autres techniciens » des années 1930 à 1935. Une sérieuse formation complémentaire en électricité lui fut enseignée par son frère Henri Lesoult, plus âgé et spécialiste en la matière.

Après avoir exercé ses compétences aux Chantiers de la Loire, Robert Lesoult travailla pour son propre compte en tant que bureau d’études. Par ailleurs, il participa en tant que fondateur-actionnaire à l’entreprise SEM, spécialisée en charpente métallique, et dont il fut directeur technique. Ensuite, il travailla notamment chez Brissonneau et Lotz et termina ses dernières années de carrière aux Chantiers de la Loire à Nantes.

La découverte de précieux documents d’archives

Suite à cette demande de son cousin, Rémy Lesoult se souvient alors de cette liasse de documents « bien ficelés » qu’il a retrouvés lors du déménagement de l’appartement de ses parents en 2004. Parmi d’autres effets personnels aujourd’hui perdus, il décide de conserver ce seul dossier, sans vraiment savoir ce qu’il contient. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que plusieurs de ces archives évoquent des appareils de levage des Anciens Chantiers navals Dubigeon du Bas Chantenay ! Mais surtout, certaines de ces notes de travail concernent plus spécifiquement la fameuse Grue Noire, inscrite au titre des monuments historique depuis 2018.

Ces épures de calculs graphiques, au nombre de douze et accompagnées de deux tableaux de nomenclature, ont été réalisées par Robert Lesoult, « dont la finesse des calculs faisait dire aux spécialistes qu’il concevait autant de la dentelle que de la charpente métallique ». S’étalant de 1941 à 1948, elles concernent la construction d’un nouvel appareil de levage pour les Anciens Chantiers Dubigeon, connue aujourd’hui comme la « Grue Noire ». Elles utilisent la méthode dite de « Crémona » (utilisée notamment par Gustave Eiffel) qui correspond à un enchaînement graphique de vecteurs parallèles à chaque élément de charpente et forces extérieures, permettant au calculateur de mesurer les sollicitations en traction ou en compression de chacune des membrures de la structure, et donc les dimensionnements minimum qui en résultent. Certaines épures utilisent par ailleurs, notamment pour les recherches de stabilité, la méthode dite « funiculaire ». De la finesse des calculs dépend le poids de la structure et donc son prix ! Les phases de calculs étaient nombreuses et beaucoup plus complexes qu’un pont ou même que la glorieuse Tour Eiffel car :

• Les appuis sont décentrés par rapport au centre de giration et, de plus, sur des niveaux différents,
• Les charges à manipuler ont des portées et des orientations variables,
• La grue doit être capable de se déplacer sur ses rails en charge dans toutes les configurations de levage, et certaines limites de vents en force et direction.

Sans oublier les forces d’inertie ! Autant de contraintes qui complexifiaient les calculs de stabilité…

Sur la base de ces calculs, les dessinateurs industriels étaient chargés de réaliser les plans de la grue, selon les définitions de chaque élément (profilé métallique) privilégié par Robert Lesoult. La Grue Noire fut ensuite construite par les établissements Joseph Paris en liaison avec le Service des appareils de levage des Ateliers et Chantier de la Loire.

Les trois versions de la Grue Noire

Dans sa première version (calculs de 1941 à 1943), la grue était conçue pour soulever 5 tonnes jusqu’à 20 mètres de portée et 13 tonnes jusqu’à 7 mètres de portée par rapport à l’axe de giration.

Sabotée par les Allemands en 1944, la Grue Noire fut reconstruite dans la foulée. De nouveaux calculs furent réalisés de fin 1944 à mi 1945. Dans cette deuxième version fut ajoutée une possibilité de levage supplémentaire de 9 tonnes à 11 mètres de portée.

Dans sa troisième version de 1948, la flèche fut allongée selon de nouveaux calculs réalisés juillet 1948. Cette année là, la grue a été emportée en bout de voies par une très violente tempête. Elle n’avait pas été amarrée au rail selon la procédure obligatoire pour cause d’encombrement du quai. Robert Lesoult, qui travaillait déjà pour son propre compte, s’est alors retrouvé en charge de recalculer la grue dans une version améliorée quant à sa portée. C’est ainsi que la nouvelle flèche a été recalculée pour être allongée de 3 mètres et sa contre flèche de 1,50 mètre.

Cette troisième et dernière version porta définitivement ses caractéristiques à :
• 5 tonnes jusqu’à 23 mètres de portée,
• 9 tonnes à 11 mètres de portée,
• 13 tonnes jusqu’à 8 mètres de portée.

Robert Lesoult fut à l’origine d’autres appareils de levage sur le site des Anciens Chantiers Dubigeon dont notamment le pont roulant qui desservait les deux cales de lancement démonté depuis longtemps, et une grue potence. Deux appareils dont les calculs font partie de la liasse de documents retrouvés. Il travailla également au projet de la fameuse grue Gusto de Saint-Nazaire. Mais seule la Grue Noire demeure debout. L'ensemble des quatorze documents d'étude de la grue sera versé aux Archives de Nantes et consultable sur demande.

La construction métallique, une tradition familiale

Pour la petite histoire, Rémy Lesoult et son cousin ont récemment fait une découverte insolite.

L’ingénieur Virgile Baudin était le bras droit (et beau-frère) de Ferdinand Joseph Arnodin, le concepteur et constructeur du pont transbordeur de Nantes. Les recherches généalogiques du cousin ont montré qu’il était également le grand-oncle de Robert Lesoult ! Ce dernier, né en 1909, n’a cependant pas eu l’occasion de côtoyer l’ingénieur qui décédera en 1911. Drôle de coïncidence tout de même de constater que cette vocation pour la construction métallique se soit perpétuée au sein de la famille.

> Consulter notre dossier sur l'histoire des Anciens Chantiers Dubigeon et de la grue noire

Rémy Lesoult / Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole

Autres actualités :

Tout au long de l’année 2024, l’association La Conserve des Salorges à la Lune propose des...

Date de publication : 17/04/2024

De la rue aux salles de spectacle, le théâtre fait partie intégrante de la vie culturelle nantaise....

Date de publication : 05/04/2024

Le samedi 13 avril prochain, le Centre généalogique de Loire-Atlantique organise une journée...

Date de publication : 05/04/2024