Retour sur la restauration de deux tableaux de l’église Sainte-Anne
Le 9 juillet dernier, l’église Sainte-Anne a retrouvé deux de ses tableaux, représentant respectivement un Couronnement d’épines et une Assomption de la Vierge. Déposés au moment des travaux de l’édifice entre 2005 et 2011, ils ont à leur tour été restaurés ces derniers mois.
Avec la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, les communes deviennent propriétaire des églises paroissiales construites avant cette date sur leur territoire. L’entretien et la restauration des églises, mais aussi des objets qui y sont conservés, incombe depuis aux municipalités. Dans cette perspective, la Ville de Nantes, accompagnée par la Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire (DRAC) et le Département de Loire-Atlantique, avait engagé en 2015 un diagnostic pour connaître l’état des tableaux à valeur patrimoniale conservés dans les églises nantaises, propriétés de la Ville. Ce travail a permis de prioriser les œuvres à traiter en croisant les critères d’importance patrimoniale et d’état de conservation. Une programmation pluriannuelle de restauration de tableaux a été établie en 2023, et des équipes de restaurateurs ont été consultées pour sa mise en œuvre. D'ici 2027, 22 tableaux seront restaurés par l'équipe de restaurateurs sélectionnée. Ils sont conservés dans les églises de Notre-Dame-de-Bon-Port, Sainte-Anne, Saint-Martin, Saint-Similien et Saint-Clément.
« L’Assomption de la Vierge » et « Le Couronnement d’épines » avant leurs restaurations.
Date du document : 2024
Les premières œuvres qui ont bénéficié de ce projet sont deux tableaux de l'église Sainte-Anne, déposés depuis les travaux de l'église.
Le Couronnement d’épines représente une des étapes de la Passion du Christ. Le vieillissement et l’encrassement du tableau l’avait rendu difficilement lisible. De plus, l’humidité avait oxydé l’épaisse couche de vernis qui le recouvrait : on parle de chanci, une altération qui opacifie peu à peu cette protection de la couche picturale. La restauration de cette huile sur toile du 18e siècle a révélé une œuvre de très belle facture tant dans son dessin que ses couleurs... Son auteur n’était pas connu mais le traitement a permis de mettre au jour une signature qu’il reste maintenant à identifier !
L’Assomption de la Vierge est une huile sur toile de grand format peinte au 19e siècle. Travaillée avec peu de matière à la manière d’une esquisse, la partie centrale qui représente la montée de la Vierge au ciel après sa mort, est la plus aboutie. Probable œuvre d’atelier, son auteur ou ses auteurs ne sont pas connus.
Les travaux ont a été effectués au cours du premier semestre 2024 par les restauratrices de tableaux Claire Le Goff et Kiriaki Tsesmeloglou. L’atelier David Doreur s’est occupé de la restauration de cadres.
Les restauratrices commencent par établir un constat d’état détaillé qui permet de définir et valider la méthodologie la plus adaptée.
L’examen de l’Assomption de la Vierge révèle un châssis de fabrication artisanale en mauvais état : le bois a été attaqué par des insectes xylophages. Ne possédant pas de système de réglage de la tension, il est en outre peu adapté à une conservation sur le long terme. La toile, très encrassée, présente des déchirures au revers masquées sur la face par des repeints débordants et dissonants, en particulier au niveau de la main du personnage de gauche. N’étant plus maintenue au châssis qu’en partie supérieure, elle n’est plus tendue et est déformée sur son pourtour.
Partie inférieure de « L’Assomption de la Vierge » de l’église Sainte-Anne avant sa restauration
Date du document : 2024
La couche picturale est elle fragilisée par des conditions de conservation inadaptées et la perte de tension de la toile. Très encrassée, elle a perdu de son éclat. Les petites lacunes et repeints disgracieux sont nombreux. En outre, les traverses du châssis ont marqué la peinture de manière irréversible. Enfin, le vernis est terni par la crasse et l’humidité.
Partie supérieure de « L’Assomption de la Vierge » de l’église Sainte-Anne avant sa restauration
Date du document : 2024
Le châssis du Couronnement d’épines est infesté, encrassé et voilé : il doit être changé. La toile d’origine avait été doublée d’une toile de rentoilage lors d’une précédente restauration, mais elle n’y adhère plus correctement. Elles sont toutes deux encrassées, infestées de moisissures, de champignons et fortement oxydées. Elles se maintiennent difficilement au châssis. La couche picturale, cassante et très fragile, présente des soulèvements ayant déjà provoqué des pertes de matière. Elle est marquée par de nombreuses craquelures dues au vieillissement de la toile et n’adhère plus correctement au support. Enfin, le vernis est fortement oxydé et présente des chancis profonds, rendant la scène représentée illisible.
Détail du tableau du « Couronnement d’épines » avant sa restauration
Date du document : 2024
Pour les deux tableaux, la première étape de la restauration est le nettoyage : le dépoussiérage à l’aide d’un pinceau doux est suivi d’un décrassage de la couche picturale.
« Couronnement d’épines » : décrassage de la couche picturale après tests
Date du document : 2024
Les restauratrices peuvent ensuite procéder au dévernissage.
Dévernissage du « Couronnement d’épines »
Date du document : 2024
Pour l’Assomption, deux zones de repeints grossiers sont retirées manuellement à l’aide d’un scalpel.
« L’Assomption de la Vierge » : retrait mécanique du repeint
Date du document : 2024
Les restauratrices effectuent ensuite la dépose des toiles : désolidarisées de leur châssis, la toile de rentoilage peut être retirée et la toile d’origine nettoyée sur son revers.
Dépose de la toile de rentoilage du « Couronnement d’épines »
Date du document : 2024
Puis la toile est consolidée, les déchirures sont réparées et les manques de matière sont comblés. Cette étape est suivie de la mise en tension de la toile sur un support de travail qui permet de résorber lentement ses déformations avant de procéder au refixage de la couche picturale.
« L’Assomption de la Vierge » : mise en tension de la toile sur un support de travail
Date du document : 2024
Cette phase de la restauration consiste à appliquer un adhésif pour permettre à la couche picturale d’adhérer au support. La toile est ensuite doublée sur table chauffante basse pression avec une toile neuve. Enfin, l’ensemble est montées sur un nouveau châssis en bois.
Ensemble monté sur un nouveau châssis en bois du « Couronnement d’épines »
Date du document : 2024
L’Assomption fait l’objet de deux étapes supplémentaires. En premier lieu, un masticage est opéré afin de combler les lacunes de la couche picturale. Après un premier vernissage qui permet de les isoler de la couche picturale originale, les retouches colorées sont ensuite posées par les restauratrices l’objectif de rendre l’œuvre pleinement lisible et compréhensible. Les deux œuvres bénéficient enfin d’un vernissage final par pulvérisation.
Les restauratrices peuvent ensuite poser leurs retouches colorées sur ces mastics dans l’objectif de rendre pleinement lisible et compréhensible l’œuvre.
« L’Assomption de la Vierge » : vue du mastic avant les retouches colorées
Date du document : 2024
En parallèle, les cadres des tableaux, très dégradés, sont à leur tour restaurés. Le bois a été traité contre les insectes xylophages et les champignons, les assemblages sont vérifiés, puis leur surface a été nettoyée et dégagée là où elle avait été recouverte de bronzine. Enfin les lacunes ont été comblées par des raccords de dorure à la feuille d’or et patinées.
Depuis leur accrochage le 9 juillet dernier, les deux œuvres sont de nouveau visibles dans l’église Sainte-Anne.
Avant / après restauration du "Couronnement d'épines"
Avant / après restauration de "L'Assomption de la Vierge"
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
Album « Accrochage des tableaux restaurés à l'église Sainte-Anne »
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