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Infirmières des Batignolles pendant la Seconde Guerre mondiale Perturbations dans les théâtres nantais au 18e siècle

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Nantes la bien chantée : Le petit mercelot


Un commerçant ambulant fait étape dans une hôtellerie et tente d’enlever une des jeunes femmes de l’établissement en la dissimulant dans sa valise. Il est démasqué mais refuse d’ouvrir sa valise sous divers prétextes.

Le personnage du commerçant, ou marchand, qu’il soit ambulant comme c’est le cas ici ou sédentaire, n’a pour ainsi dire jamais « le beau rôle ». On lui prête différents défauts dont le moindre n’est pas sa malhonnêteté. On le dépeint aussi parfois comme un homme paillard, débaucheur de filles. Il en est ainsi du Petit mercelot, à l’instar du marin-marchand des Trois navires de blé chargés, un profiler débutant n’aurait aucun mal à faire la comparaison.

Nantes, dans le texte

Beaucoup de versions mentionnent la ville de Nantes parmi les deux ou trois grandes cités que le personnage cite en toute fin de récit, comme pour justifier le standing de son commerce qui ne concerne que la haute société urbaine. Le mercelot tente cet argument dans l’espoir d’en mettre plein la vue et ainsi se soustraire à l’injonction qui lui est faite d’ouvrir sa valise. Une tentative de dérobade assez grossière mais la chanson s’arrête le plus souvent avant de faire savoir si le stratagème se révèle efficace. Il faut bien reconnaître que le mercier pouvait être confiant dans la mesure où son premier stratagème avait fonctionné et lui avait permis d’enfermer la fille dans sa valise.

Un commerçant important…

Les merciers ambulants étaient des personnages communs dans les campagnes jusqu’à une période relativement récente. Ils étaient parfois employés par les merciers des bourgs qui pouvaient ainsi plus facilement toucher la clientèle féminine des villages qui, précisément, ne se rendait au bourg que le dimanche pour les offices religieux. Autant dire que, sans cette ambassade marchande, le mercier du bourg n’avait aucune chance de vendre sa camelote aux femmes des campagnes puisque son échoppe était fermée le dimanche, comme de juste. Une autre époque…

Le genre de la clientèle explique pourquoi les merciers, comme les tailleurs et autres couturiers avaient mauvaise réputation. Le fait qu’ils avaient affaire avec une clientèle exclusivement féminine, doublé du fait, pour les tailleurs et couturiers, qu’ils travaillaient « au plus près » de leurs clientes, suffisait à créer de la suspicion.

… mais un fieffé coquin

L’étape à l’auberge du mercier ambulant tourne à la tentative de rapt, certes un peu grossière, mais rapt tout de même. On peut au passage s’interroger sur la nature véritable de cette hôtellerie où se trouvent de jolies filles. Il n’est pas interdit de penser à une hôtellerie spécialisée dans la galanterie, mais sans certitude toutefois. Comme souvent, c’est la servante qui fait les frais des déviances libidineuses du personnage masculin.
Quoi que nous ayons affaire à un fieffé saligaud, il faut reconnaître une certaine habileté dans le piège tendu par le mercelot qui consiste à ne proposer que des « marchandises pour les filles ». Le fait de flatter ainsi la coquetterie de la gente féminine – pardon pour le cliché, c’est pour les besoins de l’article – est une tactique pour augmenter les chances de succès de son entreprise de séduction forcée. Au final, sa précipitation lui fait commettre une erreur qui permettra de le confondre avant qu’il ait pu prendre le large.

Une géographie très marquée

Sauf le respect dû à cette belle région, je ne pense pas que l’origine Normande du mercelot soit importante car ce détail ne figure pratiquement que dans les versions recueillies dans le pays Guérandais - Mesquer, Guérande et La Baule. Les autres versions ne mentionnent pas d’origine particulière. A ce propos, toutes les versions sonores recueillies en Loire-Atlantique l’ont été dans le pays Guérandais et sont interprétées sur un air de marche ou un air à danser : le rond, dit « paludier », en l’occurrence.

Hugo Aribart
Dastum 44
2019

[forme]
C’était un petit mercelot
Passant la Normandie (bis)
Il est descendu coucher dans une hôtellerie
Sommes-nous dans la rive du bois, du bois dans la rive (bis)

Il est descendu coucher
Dans une hôtellerie (bis)
L’hostellerie que c’était, y’avait de jolies filles
Sommes-nous dans la rive du bois, du bois dans la rive (bis)

Etc.

[texte complet]
C’était un petit mercelot, passant la Normandie
Et il est descendu coucher dans une hôtellerie
Dans l’hôtellerie que c’était, y’avait de jolies filles
La servante qui était là était la plus jolie
Elle monte en haut pour faire son lit, p’tit mercelot la suit-e
Là, il l’a prise, il l’a ployée, l’a mise dans sa valise
Mais il l’a ployée trop long, voyait sa robe grise
Dans son chemin a rencontré, c’est l’amant de la fille
Beau mercelot, p’tit mercelot, qu’as-tu dans ta valise
J’ai des couteaux, j’ai des ciseaux, marchandises pour les filles
Tu m’as menti, p’tit mercelot, déploie-moi ta valise
Non, ma valise je n’la déploie que dans les grandes villes
Soit à Paris, soit à Rouen, à Nantes la jolie ville.

 

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En savoir plus

Bibliographie

Coirault Patrice, Répertoire des chansons françaises de tradition orale, ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Yvette Fédoroff, Simone Wallon et Marlène Belly (Paris, Bibliothèque nationale de France, 1996-2006, 3 volumes)

Le petit mercelot (Enlèvements - N° 01308) : 15 versions référencées

Laforte Conrad, Le catalogue de la chanson folklorique française (Québec, Presses de l’université de Laval, 1977-1987, 6 volumes)

La fille dans la valise (I, O-11) : 18 versions référencées

Discographie

Roland Brou : Trois garçons du Lion d’Or, TVB Productions, 1996, plage N° 8

Les Chanteurs des Pays de Vilaine : Saint-Laurent sur Oust 1996, Pixie, 1997, plage N° 4

Philippe Guénégo : Chansons à danser en presqu’île guérandaise, Dastum / Les Veuzous de la Presqu’île, 2000, plage N° 4

Hamon-Martin Quartet : Allune, Coop Breizh, 2001, plage N° 3

Les 4 Jean, A Nantes la grande ville, Alain Pennec Editions, 2004, plage N° 3

Anna Colin : 1000 Métiers, 1000 Chansons, Dastum, 2008, plage N° 2.15

Guillaume Denoue : Chants à danser du pays de Guérande et de Brière, Les Veuzous de la Presqu’île, 2009, plage N° 3

Version sonore

Daniel Lehuédé, le 5 septembre 2018, à Besné d’après la version recueillie par Fernand Guériff auprès de Marie-Louise Tattevin, à Mesquer (44)

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Musique Nantes dans la chanson

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Rédaction d'article :

Hugo Aribart

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