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Nantes la bien chantée : L'infanticide Jacques Demy (1931 – 1990)

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Cécile Garreau-Prampart (1931 – 2020)


Cécile Garreau a grandi dans une famille d’ouvriers communistes. Membre de l’Union des jeunes filles de France à l’âge de quinze ans, elle poursuit ses activité militantes en faveur des classes populaires après son mariage avec le syndicaliste Georges Prampart.

Une enfance le poing levé

Le 14 juin 1931, le Saint-Philibert coule au large de Noirmoutier. Des centaines de personnes, essentiellement des syndicalistes et coopérateurs, périssent dans les flots. Née le 26 avril 1931, Cécile Prampart aurait dû être du voyage, mais ses parents, la trouvant trop fragile, renoncèrent à cette excursion au dernier moment… Chanceuse Cécile, enfant choyé, beigne dans un univers où l’on proteste en levant le poing. Son père, électricien de formation, fut révoqué des chemins de fer pour faits de grève en 1920, et réintégré qu’après la victoire du Front populaire, seize ans plus tard. Étienne est un homme de caractère, militant communiste dès le congrès de Tours (1920), coopérateur et militant laïc. Sa mère, prénommée Cécile, est couturière de métier. Le couple occupe un appartement dans Chantenay « la Rouge » avec leurs enfants.

Ceux-ci fréquentent l’école publique et ne vont pas au catéchisme, ce qui est loin d’être le cas pour toute la marmaille de l’école de la République. Ses parents ne sont cependant pas des anticléricaux forcenés : leurs meilleurs amis sont catholiques et ils leur furent d’un grand secours lors de la grève de 1920.

À la différence de son futur époux, le dirigeant syndical Georges « Jojo » Prampart, Cécile est « née dans la politique », et elle ne s’est jamais séparée de la photo du Premier Mai 1936 sur laquelle on la voit lever le poing. Une décennie plus tard, à l’heure de la Libération, Cécile Garreau n’a toujours pas baissé le poing. Dans cette France pleine d’espoir, celle des « jours heureux » où tout semble possible, elle est engagée politiquement dans l’Union des jeunesses républicaines de France, organisation intimement liée au Parti communiste.

L’école et les premiers engagements en tant que militante

Revenons à l’école. L’examen obtenu, Cécile se retrouve à l’école Vial. Elle rêvait de faire des études de commerce, ou mieux, institutrice (« mais à la campagne uniquement ! » disait-elle en riant), elle fera couture, et contre mauvaise fortune, bon cœur : « Il n’y avait plus de places en commercial et mon frère m’a assuré qu’il suffirait que je passe le concours l’année suivante pour changer de filière. Mais je n’ai pas voulu : mon père avait 55 ans, sa retraite de cheminot était maigre et l’obligeait à continuer à travailler chez Dubigeon pour payer mes études… La couture ne me bottait pas même si ma mère était contente que je fasse le même métier qu’elle. » En intégrant Vial, Cécile renoue avec la non-mixité scolaire et le rigorisme moral…

Ainsi se passent ses années de scolarité, entre cours généraux, apprentissage d’un métier et, dès l’âge de quinze ans, investissement dans l’Union des jeunes filles de France (UJFF), structure de la mouvance communiste, créée en 1936, dissoute trois ans plus tard, et relancée à la Libération. En 1947, son CAP et son BEI (Brevet élémentaire industriel) de couture en poche, Cécile Garreau est en mesure d’affronter le monde du travail... mais pas longtemps !

Une femme au foyer toujours aussi engagée

Elle n’a pas 20 ans lorsqu’elle épouse un « choumac » (chaudronnier) des chantiers, communiste comme elle et syndiqué à la CGT comme il se doit. De cette union naîtront trois enfants et une seconde vie puisque la jeune ouvrière militante devient femme au foyer. Tel est le destin « naturel » des femmes : gérer le foyer, élever les enfants et, dans son cas, pallier à l’absence d’un époux totalement impliqué dans l’action militante. Si Cécile Prampart a conscience de s’être sacrifiée pour faire vivre la famille et permettre à Jojo d’être militant à temps plein, elle ne renonce pas pour autant à toute forme d’engagement. Comme nombre de femmes, elle adapte celui-ci à sa nouvelle condition, et la voici active au sein de l’Union des femmes françaises et de l’amicale laïque du quartier du Breil.

Une seconde vie assez courte car dès 1961 elle renoue avec le salariat. Avec trois enfants encore jeune et un salaire de permanent syndical pour vivre, le couple ne roule pas sur l’or. Alors, quand le PCF la sollicite pour travailler dans la librairie qu’il a ouverte sur Nantes, Cécile, passionnée de lecture, n’hésite pas. De plus, Au livre ouvert est plus qu’une librairie, c’est un espace militant désireux de promouvoir les activités culturelles au sein des classes populaires. Ainsi, Cécile vend aussi bien des livres qu’elle n’accueille des auteurs (citons le prix Nobel Miguel Angel Asturias), des célébrités (comme le cosmonaute Youri Gagarine)  ou des expositions. Elle y restera près de deux décennies...

Pour beaucoup, Cécile était la « femme de Prampart », celle qui vivait dans l’ombre de Jojo, mais celles et ceux qui la connaissaient savent qu’elle était bien plus que cela. Cécile était une femme engagée et un fort caractère. Elle avait un défaut : la discrétion. Lorsque le Centre d’histoire du travail travaillait à la rédaction d’une biographie de Georges Prampart, il eut toutes les peines du monde à la faire s’asseoir pour qu’elle lui raconte sa vie « plurielle » : celle d’une femme dans un monde dominé par les hommes ; celle d’une militante qui n’a jamais renié ses engagements de jeunesse ; mais aussi celle de l’épouse d’un militant de premier plan à la fin de carrière chahutée.

Christophe Patillon
Centre d’histoire du travail
2022

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En savoir plus

Bibliographie

Patillon Christophe, Nerrière Xavier, Georges Prampart. Une vie de combats et de convictions, Editions du Centre d’histoire du travail, 2009

Webographie

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Communisme Femme célèbre Militant Syndicalisme

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Rédaction d'article :

Christophe Patillon

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