Bandeau
Usine Cotelle et Foucher Fontaines Wallace

152

Militaires à Nantes


Du 18e au 21e siècle, la question du casernement à Nantes occupe largement la municipalité, la présence militaire s’intensifiant puis s’affaiblissant selon les conflits et les législations autour du service militaire. Loger les soldats et leur administration est en effet une question centrale, qui demande d’importantes ressources.

Le logement chez l’habitant

Au 18e siècle, bien que Nantes ne soit pas une ville de garnison où les troupes sont postées de façon permanente, la ville est un carrefour qui accueille les soldats qui se rendent en Bretagne et dans les ports militaires de l’ouest. Il faut ainsi trouver des solutions pour loger ces hommes, qui se traduisent notamment par le logement chez l’habitant. Néanmoins, celui-ci est à l’origine de nombreux troubles et tensions. Il faut en effet loger des centaines d’hommes et de chevaux chez des Nantais qui ne sont pas prévenus à l’avance et qui se doivent de réserver le meilleur accueil aux militaires. Au 18e siècle, les nobles et religieux sont exemptés du logement des militaires grâce à leurs privilèges ; tout comme les foyers les plus pauvres. L’accueil des militaires se fait donc également en fonction des revenus des foyers. L’impopularité du logement chez l’habitant est telle que son abolition est demandée à plusieurs reprises dans les cahiers de doléances de Nantes de 1789. 

Malgré les constructions des diverses casernes de passage aux 18e et au début du 19e siècle, le logement chez l’habitant reste de vigueur. Néanmoins le système se réforme, les privilèges sont abolis et tout le monde doit accueillir les soldats de passage, à l’exception des plus défavorisés et des femmes vivant seules. Dès les années 1830, un système d’abonnement se met en place à Nantes. Les habitants peuvent s’abonner annuellement aux casernes de passage auprès d’investisseurs privés. Ainsi, les soldats logent dans ces casernes plutôt qu’aux domiciles des Nantais abonnés. Néanmoins, les casernes de passage ne permettent le logement des soldats que jusqu’au grade de sous-officiers. Au-delà, les entrepreneurs sont chargés de leur offrir une nuit au meilleur hôtel de la ville !

Logement militaire chez les habitants

Logement militaire chez les habitants

Date du document : 06/01/1855

Les premières casernes

Le premier projet de caserne à Nantes date des années 1720. Gérard Mellier, subdélégué en 1710 et maire de la Ville en 1720, entretient d’étroites relations avec Paul-Esprit Feydeau de Brou. Avec son accord et afin de mieux contrôler et faciliter le logement des soldats, Mellier propose la construction d’une caserne sur l’île Feydeau. Néanmoins, le projet ne voit pas le jour pour des raisons financières. La question reste pour autant centrale. L’ordonnance royale du 25 octobre 1716 encourage ainsi les villes à construire des casernes pour limiter le logement chez l’habitant. Il faut alors trouver des terrains que la municipalité peut exproprier, mais il faut aussi meubler ces casernes, ce qui s’avère être le plus difficile. À la fin de l’année 1716, la Ville de Nantes appelle les artisans à fournir du mobilier, mais aucun ne se présente ! Les autorités se résignent à obliger les Nantais à fournir des lits et des meubles. Selon la fortune de chacun, un lit, un banc ou encore une nappe est exigée. 

Les premières casernes à Nantes au 18e siècle peuvent ainsi compter d’une trentaine de lits jusqu’à plus de 90 ! Elles se concentrent dans les quartiers situés à l’ouest, à proximité de la Loire. Néanmoins, le terme de caserne désigne des réalités très différentes au 18e siècle. On compte ainsi des casernes dites permanentes, qui sont construites pour cet usage, mais aussi des locaux civils qui sont achetés ou loués pour loger des troupes. À partir de 1789, de nombreuses casernes sont également installées dans des édifices religieux, devenus biens nationaux. 

Au début du 19e siècle, les lieux de casernements se multiplient à Nantes. Ces casernes de passage accueillent des troupes isolées ou lors d’événements extraordinaires. Dans la première moitié du 19e siècle on compte ainsi le château (qui sert de lieu de casernement et de stockage depuis 1789), la Visitation, le collège Saint-Clément, les casernes des Pénitentes, des Irlandais, des Enfants Trouvés ou Orphelins, de Saint-Charles, de la Retraite des Hommes, de la Sècherie ou encore du quai Saint-Louis ou Coquebert, une caserne de cavalerie rue Pétrarque (aujourd’hui rue Harouys) ou encore une autre caserne de cavalerie place de l’Entrepôt (aujourd’hui place René-Bouhier). 

Militaire dans la cour du château des ducs de Bretagne

Militaire dans la cour du château des ducs de Bretagne

Date du document : 1865

Ces casernes n’accueillent généralement pas des régiments complets, mais un voire deux escadrons. La Ville de Nantes cherche, difficilement, à pérenniser la présence militaire dans la ville. Elle doit alors s’engager à construire des casernes plus grandes et modernes. Les besoins augmentent également au vu de l’instauration progressive du service militaire universel et obligatoire à partir de la fin du 19e siècle, qui gonfle les effectifs.

L’installation des casernes demandent également l’aménagement de lieux de stockage, désignés sous le terme de magasins, mais aussi d’entraînement. L’installation des champs de manœuvres et de tir est ainsi une nouvelle question, particulièrement complexe. Tandis qu’un champ de manœuvres demande un vaste espace, un champ de tir est constitué d’une parcelle étroite mais longue et, dans l’idéal, éloigné des habitations. La place Viarme, les prairies de Chantenay, la Prairie de Mauves ou encore le Petit-Port ont ainsi accueilli des champs de manœuvres. Les champs de tir, eux, se sont installés à la Prairie de Mauves, à la Porterie, ou encore au Bèle. Néanmoins, la presse et les autorités font état de plusieurs accidents, dont certains mortels, remettant à chaque fois en question l’existence et la localisation de ces champs de tir.

Tir au canon sur le quai Malakoff

Tir au canon sur le quai Malakoff

Date du document : 05/03/1886

Des tensions aux intérêts économiques

La construction des casernes au 19e siècle à Nantes est une source de tensions entre la municipalité et l’Administration de la Guerre. Cette dernière n’est pas toujours satisfaite des terrains proposés par la Ville, tandis que la municipalité est frileuse face à de si importantes dépenses pouvant aller jusqu’au million de francs, alors que Nantes est en plein chantiers urbains. Pour autant, l’installation de troupes a un intérêt économique très important ! En effet, la présence de ces centaines voire milliers d’hommes provoque une augmentation significative du commerce et des recettes d’octroi issues des marchandises importées. Les nombreux chevaux de l’Armée représentent aussi une ressource particulièrement intéressante pour les maraîchers : l’engrais. 

La construction d’une caserne est également l’occasion de moderniser et de modifier l’urbanisme de quartiers entiers. Égouts, distribution de l’eau, éclairage ou encore tracés des rues sont retravaillés pour desservir au mieux la caserne et respecter les normes de construction. 

Au début du 20e siècle, 6 500 à 7 000 soldats sont casernés à Nantes. Cette importante présence rend les militaires visibles dans la société nantaise. Les officiers participent ainsi aux cérémonies et aux évènements mondains. La présence de l’Armée est également rendue visible par les cérémonies qui ont, entre autres, lieu sur la place d’Armes (aujourd’hui place Maréchal-Foch).

Parade de cavalerie du 14 Juillet 1885 sur la place Louis XVI

Parade de cavalerie du 14 Juillet 1885 sur la place Louis XVI

Date du document : 14/07/1885

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’Armée bénéficie d’une position prestigieuse. Après ce conflit, leur visibilité s’amenuise jusqu’à parfois disparaître presque totalement, comme à Nantes.

Le départ des militaires

En 1999, le service national est suspendu. Des réformes majeures de l’Armée sont engagées. Nantes dépend désormais de la région terre Nord-Ouest dont le Poste de Commandement est à Rennes. Une Journée d'appel de préparation à la défense (renommée Journée défense et citoyenneté depuis 2011) remplace le service national. Celle-ci ne dure qu'une journée et est obligatoire pour tous les Françaises et Français. Le 17 juin 2008, le « Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure » modifie en profondeur l’organisation du dispositif militaire en France, pour l’adapter aux nouveaux besoins militaires du pays et à la baisse des effectifs. Les troupes positionnées à Nantes sont largement impactées par ces réformes. L’état-major de forces n°2 et la 9ème brigade d’infanterie de marine sont dissous. La 22ème brigade légère blindée de marine quitte Nantes pour Poitiers. En tout, environ 800 membres du personnels civils et militaires quittent Nantes. 

Le 29 mai 2010, une cérémonie a lieu sur le cours Saint-André pour le départ des militaires et la dissolution de certains des régiments. Au cours d’une cérémonie, que la presse décrit avec émotion, et en présence du général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’Armée de Terre, les Nantaises et Nantais ont ainsi pu faire leurs aurevoirs aux militaires. À l’occasion du départ des militaires de Nantes, publications et expositions reviennent sur l’histoire militaire nantaise. 
 

Cérémonie de dissolution de la garnison de Nantes

Cérémonie de dissolution de la garnison de Nantes

Date du document : 29/05/2010

De nombreux sites sont depuis cédés à des opérateurs privés. La ville de Nantes est aujourd’hui le siège d’un Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées et d’un Commandement de la Marine.

Léa Grieu, d’après les recherches de Xavier Trochu
Direction du patrimoine et de l’Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024



Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.

En savoir plus

Bibliographie

BOIS Jean-Pierre (dir.), La Loire, la guerre et les hommes : Histoire géopolitique et militaire d’un fleuve, Presses Universitaires de rennes, Enquêtes et Documents, Rennes, 2013.

MARENGO Général de corps d’armée (dir.), Nantes et ses soldats, Ville de Nantes, Région Pays-de-la-Loire, Département de la Loire-Atlantique, Ministère de la Défense, Direction de la Mémoire, du patrimoine et des archives, Nantes, 2010.

Pages liées

Dossier : Casernes militaires à Nantes

Tags

19e siècle Guerre

Contributeurs

Rédaction d'article :

Léa Grieu

Témoignage :

Patrick Marengo

Vous aimerez aussi

Résistance aux chantiers Dubigeon

Événement historique

Dans le Ouest-France du 18 novembre 1949, on pouvait lire le détail du lancement du sous-marin Andromède. Il est fait état de la vedette des chantiers et des remorqueurs des Abeilles...

Contributeur(s) :Elise Nicolle

Date de publication : 28/10/2020

2754

Marché de Talensac

Architecture et urbanisme

Situé dans le quartier Hauts-Pavés – Saint-Félix le marché couvert de Talensac, lieu d'approvisionnement bien connu des Nantais est aujourd'hui le plus ancien et l'unique marché couvert...

Contributeur(s) :Delphine Gillardin

Date de publication : 06/03/2019

5457

Tunnel Saint-Félix

Architecture et urbanisme

Sur plus de 700 mètres, le tunnel Saint-Félix s’étire du quai Ceineray à son débouché dans le canal Saint-Félix. Construit entre 1930 et 1933, cet ouvrage a profondément bouleversé...

Contributeur(s) :Noémie Boulay

Date de publication : 06/03/2024

1617