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1073

Maison Gilagh


Né vers 1683 dans la province de Leinster en Irlande, Philippe Gilagh arrive sans doute à Nantes à cause des persécutions religieuses contre les catholiques qui commencent en 1691. Marié à Marie Knoles dans la paroisse de Saint-Nicolas, il évolue dans le milieu des négociants et commence à bâtir une fortune à partir des années 1730. Dans les années 1740, Philippe Gilagh est l’un des négociants les plus fortunés de Nantes. Le lancement de la construction du premier quai de la Fosse unifié lui permet de planifier l’acquisition de plusieurs parcelles contiguës afin d’échapper aux contraintes architecturales que confère leur exiguïté, la largeur des parcelles nantaises dépassant rarement les quatre mètres.

La première parcelle lui est apportée par l’héritage de sa femme. Puis, il acquiert une deuxième parcelle en 1735 et, en 1738, peu avant le début des travaux, il arrive à acheter une troisième parcelle.

Le négociant confie la construction à l’architecte Pierre Bontoux qui réalise également la maison adjacente appartenant à Jean Chatellier.

Achevé peu avant 1740, le chantier est difficile car à cet emplacement, le rocher se révèle aussi dur que les roches de l’Ermitage et oblige à utiliser la barre à mine.

Une fois construite, l’un des étages de la « maison » et les dépendances sont habitées par la famille Gilagh tandis que les autres niveaux sont loués à différents particuliers.

Philippe Gilagh ne profite pas longtemps de son nouveau logement et meurt en 1745 dans sa maison de la Fosse. Après son décès, la veuve restera quelques années dans l’immeuble. Puis, celui-ci sera vendu en lot et sa distribution intérieure sera remodelée.

Un hôtel particulier riche en décor

Développée sur trois parcelles, la maison Gilagh est l’une des plus larges du quai de la Fosse.

Elle comprend trois corps de bâtiments séparés par des courettes ayant pour fonction principale d’éclairer les intérieurs. Aujourd’hui accessible uniquement par le quai, elle était peut-être à l’origine desservie par une ruelle publique traversant l’îlot, transformée au fil du temps en impasse.

Sur le quai, la façade principale de la maison Gilagh est si liée à celles des deux immeubles adjacents qu’elles semblent ne former qu’un seul immeuble. La hauteur totale des immeubles ainsi que celle des différents niveaux est presque parfaitement égale d’une façade à l’autre, ce qui crée une unité architecturale.

Façade de la maison Gilagh dans son environnement

Façade de la maison Gilagh dans son environnement

Date du document : 14-06-2019

La composition de la maison Gilagh, au centre, s’organise autour de quatre larges travées développées sur un entresol et deux étages carrés. Des bandeaux horizontaux séparent les niveaux. Les deux travées centrales sont traitées en léger ressaut pour créer une illusion d’avant-corps et couronnée par fronton sommital qui a la particularité d’avoir sa base coupée par deux fenêtres percées dans l’alignement des travées. Cette disposition permet de singulariser la maison par rapport à ses voisines.

La forme des baies hiérarchise les niveaux : l’arc plein cintre lie rez-de-chaussée et entresol sous une seule arcade, la forme rectangulaire à plates-bandes délardées pour imiter l’arc segmentaire est utilisée l’étage noble, tandis que le rectangle simple est mis en œuvre au second étage.

Le décor est très présent : les balcons du premier et du second étage sont soutenus par des consoles à décor végétal et soulignés par des éléments de ferronnerie à entrelacs, les baies de l’entresol sont ornées de mascarons aux motifs des quatre saisons et celles des étages d’agrafes à décor végétal.

Au bout du passage couvert ouvert sur la travée ouest de la façade, l’entrée principale de la maison est accessible par une volée de marches et un perron. Ce dispositif marque l’entrée de l’immeuble et permet de rattraper la dénivellation du terrain coincé entre le fleuve et le rocher. A cause de cette dénivellation, le rez-de-chaussée sur quai devient un sous-sol en arrière ; l’entresol sur quai joue le rôle de rez-de-chaussée dans le bâtiment sur cour, etc.

Vue générale depuis le passage voûté

Vue générale depuis le passage voûté

Date du document : 19-09-2019

Trois corps de bâtiments imbriqués se déploient sur toute la longueur de la parcelle. Ils sont éclairés par la ruelle qui parcourt l’îlot et offre un espace de circulation pour l’air et la lumière, une courette partagée avec la maison voisine et une cour aménagée au centre du bâtiment arrière. Ces espaces sont trop exigus pour permettre de les utiliser pour une monumentalisation de l’architecture ou pour y mettre des écuries et des remises à carrosse qui marqueraient le statut social du propriétaire. Néanmoins, l’architecte a su tirer le meilleur parti de cette disposition en marquant l’entrée des logements par un perron qui permet d’accéder à un escalier entièrement dans l’œuvre.

L’escalier – de type suspendu à retours sur voûte – est éclairé par une baie à chaque étage. Ces ouvertures donnent sur la cour commune avec la maison Chatellier. Les arcs rampants de ces baies suivent l’ascension de l’escalier. Le large jour central permet de diffuser la lumière sur toute la hauteur du bâtiment.

Cour et séparation entre les immeubles 42 et 41

Cour et séparation entre les immeubles 42 et 41

Date du document : 19-09-2019

Mesurant approximativement 285m2, chaque étage accueillait, à l’origine, un appartement de treize pièces. Sur chaque palier, une entrée face à l’escalier permettait à l’occupant d’emprunter un corridor répartissant les fonctions de l’appartement : les pièces les plus spacieuses – peut-être pièces d’apparat ou de travail – étaient ouvertes vers le quai, les pièces les plus exiguës – chambres, pièces de domestiques, etc. – étaient disposées à l’arrière du bâtiment. Cette disposition existe encore sur un palier et le corridor sert de séparation entre les nouveaux appartements. Pour le reste, le palier sépare aujourd’hui plus classiquement deux ou trois appartements.

Vue sur Loire

Vue sur Loire

Date du document : 19-09-2019

Comme souvent sur les quai de Nantes, le façadisme est ici sensible : la façade avant construit en pierre témoigne de l’opulence du propriétaire tandis que la façade arrière est construite à l’économie.

Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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En bref...

Localisation : Fosse (quai de la) 40, 41 et 42, NANTES

Typologie : architecture domestique

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Rédaction d'article :

Julie Aycard

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