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Anarcho-syndicalisme


À la conquête de l’État par les urnes ou le coup de force, l’anarcho-syndicalisme oppose la grève générale expropriatrice et gestionnaire ; au centralisme, le fédéralisme ; au fonctionnarisme syndical, le mandat révocable et la démocratie directe ; à la négociation, le rapport de forces. Aux troupes moutonnières et disciplinées, il préfère les minorités agissantes et les « amoureux de la culture de soi-même », selon la formule d’une de ses figures tutélaires, Fernand Pelloutier. Né à Paris mais un temps nazairien, ami d’un Aristide Briand alors révolutionnaire, il joue un rôle central dans le mouvement ouvrier français jusqu’à sa mort en 1901.

À la conquête de l’État par les urnes ou le coup de force, l’anarcho-syndicalisme oppose la grève générale expropriatrice et gestionnaire ; au centralisme, le fédéralisme ; au fonctionnarisme syndical, le mandat révocable et la démocratie directe ; à la négociation, le rapport de forces. Aux troupes moutonnières et disciplinées, il préfère les minorités agissantes et les « amoureux de la culture de soi-même », selon la formule d’une de ses figures tutélaires, Fernand Pelloutier. Né à Paris mais un temps nazairien, ami d’un Aristide Briand alors révolutionnaire, il joue un rôle central dans le mouvement ouvrier français jusqu’à sa mort en 1901.

L’anarcho-syndicalisme connaît son heure de gloire en Loire-Inférieure entre 1890 et 1907. En avril 1893, une puissante grève dans les usines de Nantes et de Chantenay conforte les adeptes de la grève générale. La recrudescence de l’action ouvrière qui se manifeste alors enracine sans doute une pratique aussi bien qu’une mémoire de la « grève dure », une ambiguïté qui marque l’histoire ouvrière de Nantes pendant un siècle.

Présents dans de nombreux corps de métiers, sur les quais, dans le bâtiment comme dans la métallurgie, les « anarchos » sont à la tête des mouvements sociaux les plus radicaux, aux côtés des guesdistes du Parti ouvrier français (POF) à qui ils font la guerre dans les syndicats au nom de l’indépendance syndicale et de la grève générale. C’est à Nantes que le POF rejette lors de son congrès de septembre 1894 le principe de la grève générale, à Nantes encore qu’à l’occasion de son sixième congrès national tenu au lendemain de celui du POF, la Fédération nationale des syndicats (FNS) bascule du côté libertaire, adoptant le « principe de la grève générale » si ardemment défendu par Fernand Pelloutier et Aristide Briand. La FNS, qui prend le nom de CGT l’année suivante, lors de son congrès de Limoges, doit attendre 1902 pour compter dans ses rangs la Fédération des bourses du travail, dont les dirigeants ont souhaité jusque-là garantir l’autonomie de peur que les «marxistes » ne parviennent à reprendre le contrôle de la confédération syndicale.

Localement, tout bascule en 1907. Sur les docks, l’organisation du travail est entre les mains de contremaîtres brutaux. La colère gronde sur les quais nantais. La CGT revendique aussi bien le contrôle des embauches que la hausse des salaires et entend empêcher les navires d’être déchargés par les « jaunes ». Les forces de l’ordre sont sur les dents. Le 16 mars, elles s’interposent, chargent avec une violence rare les centaines de dockers en colère. Les coups de sabre pleuvent, un coup de feu éclate : le docker Victor Charles meurt sur le pas de sa porte, une balle en pleine tête. La grève se poursuit encore un mois mais perd de son souffle. La police occupe la ville, les arrestations se multiplient, les condamnations jettent en prison aussi bien des militants locaux que deux figures nationales de la CGT, Marck et Yvetot. La révolution russe et la naissance du Parti communiste portent un rude coup à l’anarchisme ouvrier puisque nombre de ses militants se rallient au léninisme. Cependant, à la fondation de la CGTU de Loire-Inférieure, née en 1921 d’une scission de la CGT, les « anarchos » dominent encore les secteurs du bâtiment, des tabacs et des métaux. Ce n’est qu’un feu de paille. Malgré ses difficultés à s’implanter à Nantes et à convertir les adhérents, y compris certains cadres ouvriers, à la discipline du centralisme démocratique, le Parti communiste met dès 1924-1925 la main sur l’organisation syndicale, ne laissant comme possibilités aux anarcho-syndicalistes que la soumission ou le retour au sein de la vieille CGT.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’anarcho-syndicalisme a le visage d’Alexandre Hébert, même si les liens que ce dernier développe dès les années 1950 avec les trotskistes réunis autour de Pierre Boussel- Lambert contribuent à brouiller le tableau. Le secrétaire de l’Union départementale CGT-FO, un temps membre de la Fédération anarchiste, s’en fait le promoteur, épaulé par une nouvelle génération de libertaires issue des Auberges de jeunesse. En 1955, quand les métallos et les ouvriers du bâtiment martèlent le pavé et affrontent la police sur le cours des Cinquante Otages, il est le seul leader syndical à ne pas condamner le recours à la violence. L’anarcho-syndicalisme est souvent réduit par ses adversaires à cette seule dimension. Il ne serait plus doctrine ni même praxis mais simplement tempérament. De la même façon que l’anarchiste ne serait qu’un petit-bourgeois qui s’ignore, l’anarcho-syndicaliste serait un belliqueux et un braillard, au mieux un indiscipliné rétif à la discipline organisationnelle, au pire un vilipendeur de bureaucrates, partisan du débordement des appareils syndicaux.

En raison de son histoire et de sa vitalité, on a souvent accolé l’étiquette anarcho-syndicaliste à une fraction du mouvement ouvrier nantais. Il est malaisé de distinguer le mythe de la réalité. Ainsi, lors du Mai 68 nantais, certains voient la marque de l’anarcho-syndicalisme dans l’instauration d’un comité central de grève chargé de la distribution des bons d’essence et du contrôle des prix des produits de première nécessité ; d’autres soulignent que le dit comité se réunissait en mairie et se composait des leaders syndicaux eux- mêmes…

Le souci de l’unité d’action dont font montre des dirigeants syndicaux comme Gilbert Declercq (CFDT) ou Georges Prampart (CGT), pourtant étrangers à la tradition anarcho-syndicaliste, peut aussi être attribué à ce « tempérament » de la classe ouvrière nantaise, de même que les violentes manifestations qui secouent la ville (1994, 2005) ou les tentatives d’organisation à la base, assembléistes et interprofessionnelles, portées notamment par des enseignants et par le courant libertaire au cours des années 1990 et 2000…

Christophe Patillon
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

 

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En savoir plus

Bibliographie

Bergerat Alain, «Le mouvement ouvrier de Loire-Inférieure devant le choix de Tours : réticences anarcho-syndicalistes ou pesanteurs réformistes », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n°4, 1981, p. 65-103

Geslin Claude, «Le syndicalisme ouvrier dans la métallurgie de la Basse-Loire de 1911 à 1914 »,
Enquêtes et Documents, n°10, 1985, p. 123-176

Geslin Claude, «Le syndicalisme ouvrier en Bretagne et la guerre 1914-1918 », Enquêtes et Documents, n°17, 1990, p. 79-142

Geslin Claude, Le syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la Première Guerre mondiale, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2014 (2e éd.)

Guin Yannick, Le mouvement ouvrier nantais : essai sur le syndicalisme d’action directe à Nantes
et à Saint-Nazaire
, F. Maspero, Paris, 1976

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Rédaction d'article :

Christophe Patillon

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