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Tour (de) Bretagne Chapelle Saint-Étienne

1855

Place de l'Édit de Nantes


La place de l'Edit de Nantes se situe au croisement de cinq voies : les rues Bonne-Louise, Bertrand-Geslin, Copernic, de la Rosière-d'Artois et de Gigant. Cette place constitue un des jalons sur l'ancienne route de Nantes à Couëron considérée comme un axe important est-ouest de la ville de Nantes. Longtemps située à la frontière entre la ville et la campagne, la place recomposée au milieu du 19e siècle, fonctionne jusqu'au début du 20e siècle comme une véritable entrée de ville.

Un carrefour sur un axe historique

Anciennement dénommée place de la croix des Gattineau (ou Gastineaux), elle constituait avant le 18e siècle et l’extension de la ville vers l'Ouest, un carrefour important qui marquait les limites entre le faubourg du « Bignon Lestard » ou « Bignon Estard » et l'extérieur de la cité de Nantes. Cette dénomination semble provenir du nom de Joseph de la Haie, seigneur des Gâtineaux (fin 16e-début 17e siècle). À la fin du 18e siècle, cette place desservait l'entrée nord de la Corderie Royale (actuelle rue Urvoy de Saint-Bedan) et était reliée au quai de la Fosse par la rue de la Corderie (actuelle rue de la Rosière d'Artois) et rue de la Verrerie. Sur le plan établi par François Cacault, architecte, entre 1756 et 1757, la croix des Gattineau y figure encore et seul l'axe est-ouest d'entrée vers la ville de Nantes existe, avec le chemin « du Bignon Lestard » devenu par la suite les rues Racine et de Gigant.

Extrait de plan de la ville

Extrait de plan de la ville

Date du document : 1756/57

Le lotissement de la tenue des Gastineaux et le projet de place

Le plan initial de la nouvelle place projeté en 1828 est de forme circulaire. Après enquête publique lancée le 20 avril 1832, les travaux d'aménagements des voiries débutent en 1834, sur la base d'un plan circulaire. Mais, face à la pression de certains propriétaires de terrains expropriés et à la spéculation immobilière, la Ville opte pour un plan carré en 1839.

En 1835, dans des pièces administratives traitant du plan d'alignement et de l'ouverture projetée de voies nouvelles, il est mentionné la « tenue des Gastineaux », terre agricole encore en exploitation à cette date. Entre 1835 e 1837, la tenue est lotie. Le 27 octobre 1837, la place de la croix des Gastineaux devient la place de Gigant. En 1840 et 1841, les propriétaires riverains acceptent de vendre des parcelles pour élargir l'esplanade et ouvrir de nouvelles voies, dont la rue Bonne-Louise. Une parcelle plus vaste est réservée sur la place de Gigant pour y édifier un hôtel particulier voire un édifice public. Les principaux investisseurs sont messieurs Barron, Charrier et Duvigneaux. La rue Bertrand-Geslin, dont le projet de percement date du 4 octobre 1843, ne sera ouverte qu'en 1846 après négociation avec des propriétaires qui s'étaient opposés.

Tenue des Gastineaux, plan de division par lots

Tenue des Gastineaux, plan de division par lots

Date du document : 1840

Des travaux ralentis par la nature des sols

Le 11 novembre 1865, une pétition des habitants du quartier (rues Bonne-Louise, Bertrand-Geslin et place de Gigant) au sujet de la nature des sols demande l'obtention d'égouts municipaux pour le quartier. Il est évoqué que les maisons construites ont rarement des caves en raison de la trop importante humidité du sol et du ruissellement des pluies. Ce contexte ne favorise pas les acquéreurs à y construire des bâtiments, ce qui explique pourquoi l'urbanisation du quartier a tardé. Les habitants interpellent l’administration sur la nécessité première d'assainir les sols notamment en raison d'un besoin de salubrité publique. En mars 1866, la Ville de Nantes rétorque aux habitants que la construction d'égouts ne sera pas prise en charge par la municipalité.

Un monument disparu : le temple protestant

L'ordonnancement de cette place était marquée par l'existence du temple protestant édifié au milieu du 19e siècle, à l’angle de la rue de Gigant et de la rue de la Rosière d’Artois, en remplacement de l'ancienne chapelle des Carmélites. Conçu par Henri-Théodore Driollet, architecte en chef de la ville, il fut inauguré le 28 mars en 1855, et entièrement détruit lors des bombardement du 23 septembre 1943. C'est pour cette raison, et en mémoire de cet édifice disparu, que la place a alors pris le nom du célèbre édit de tolérance qui fut signé à Nantes, le 13 avril 1598 par Henri IV, reconnaissant la liberté de culte aux protestants. Après la destruction du temple réformé, un square public a été aménagé en lieu et place de la « dent creuse ».

Vue du temple protestant, place de l’Edit de Nantes, en partie détruit

Vue du temple protestant, place de l’Edit de Nantes, en partie détruit

Date du document : après 1943

Des immeubles d'entrée de ville

À l'angle des rues Bonne-Louise et Bertrand-Geslin, situé au n°3, se trouve le premier immeuble construit sur la place, en 1851. De grande hauteur, sa façade est homogène et relativement sobre, composé d'un parement de tuffeau, sur un soubassement de granite. Le décor repose essentiellement sur le traitement de l'angle mesurant moins de 5 mètres de large. Le rez-de-chaussée est traité en bossage continu en table. Sur les côtés, entre deux baies en arcade se trouve des médaillons dans lesquels ont été sculptés en ronde-bosse des têtes de chiens. Les chaînages d'angle en bossage sont interrompus au niveau des deuxième et troisième étages pour laisser place à un décor de pilastre plat et mouluré. Le tout est surmonté d'une lucarne fronton élancée de style Renaissance. Cet immeuble subsiste encore dans sa forme originelle.

L'immeuble situé à l'angle des rues Copernic et Bertrand-Geslin a été édifié en 1861. Il est constitué de quatre étages sur un niveau de rez-de-chaussée haut composé d'une série d'arcades. Il a conservé sur sa façade des traces d'attaches du tramway lorsque celui-ci passait rue Copernic. De la même manière que pour l'autre immeuble situé au n°3, l'architecte s'est également inspiré de la Renaissance. Le traitement d'angle fait ressortir le premier étage noble par la présence d'un grand balcon filant sur une longueur de 15 mètres. Sur tout le rez-de-chaussée entre les baies en arcade, se trouvent des médaillons à rosace moulurée similaires à ceux de l'immeuble faisant son pendant.

Ainsi, ces deux immeubles d'angle édifiés, à dix ans d'écart, de part et d'autre du débouché de la rue Bertrand Geslin sur la place ont un air de parenté. Ils se répondent, donnant ensemble l'illusion d'une entrée de ville.

Immeubles, n°2 et 3 place de l’Edit de Nantes

Immeubles, n°2 et 3 place de l’Edit de Nantes

Date du document : 13-03-2021

Vraisemblablement plus tardif, l'immeuble situé au n°1 de la place de l'Edit de Nantes s'impose par sa façade principale de cinq niveaux et de 20 mètres de large qui contribue ainsi à encadrer la rue de Copernic. À la différence des autres immeubles d'angle, il est plus massif et présente un niveau d'attique qui remplace le niveau de comble, optimisant ainsi le nombre de logements. La composition de la façade donnant sur la place est marquée par le rez-de-chaussée traité en bossage continu en table et par la lourde porte d'accès au-dessus de laquelle sont sculptés des instruments de mesure, symboles de l'architecte. Le premier niveau est souligné par un balcon filant, puis les deuxième et troisième niveaux disposent de balcons plus étroits, sur les trois travées centrales. Le style architectural et décoratif évoque le Second Empire.

Et un hôtel particulier

L'édifice de style néo-classique situé au n°2 de la place n'a pas les mêmes proportions. Il est à l'échelle d'une maison particulière. Actuellement occupé par la Cour d'Appel de Nantes, il a été édifié en 1876 par l'architecte Lenoir pour son commanditaire M. Hardy.

Sa façade principale donnant sur la place, est protégée par une grille en fer en débord sur la voie publique, marquant ainsi les limites de la propriété privée. Son ordonnancement à trois niveaux dont un étage sous-comble, avec un rythme de quatre ouvertures par étage. L'ensemble du parement des murs de façade est en pierre de tuffeau, traité en bossages continus sur le rez-de-chaussée et le premier étage et avec des chaînages d'angle en bossage. Les encadrements des ouvertures ont fait l’objet d’un travail ornemental mouluré fin et notamment sur les clés de voûtes des linteaux droits, et plus particulièrement celles du premier niveau dont les linteaux sont en arc bombé. Les cinq lucarnes de toit posées sur une corniche saillante forment une alternance d’œil de bœuf et de lucarnes à fronton en arc plein cintre.

Hôtel Hardy, élévation, 2 place de l’Edit de Nantes

Hôtel Hardy, élévation, 2 place de l’Edit de Nantes

Date du document : 02-08-1876

Cette façade est encadrée de chaque côté, et de manière symétrique, par d'imposants porches en plein cintre. A l'arrière et où se trouvait initialement le parc paysager. L'édifice a conservé globalement son état initial, à l'exception de quelques modifications, notamment d'un surhaussement au-dessus du portail droit, qui correspondait à l'entrée des calèches.

Amélie Decaux
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2021

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En savoir plus

Bibliographie

Berranger (de) Henri, « Les quartiers du Calvaire, Delorme et de Gigant », Evocation du vieux Nantes, éditions de minuit, Paris, 1966, p. 204-211

Garraud Louise ; Landais, Jean « Histoire de la place de l’Edit de Nantes», les Annales de Nantes et du Pays Nantais, revue de la société académique de Nantes et de la Loire-Atlantique, n°266, 4e trimestre 1997, p. 32-38

Pied Edouard, Notices sur les rues de Nantes, A. Dugas & Cie, Nantes, 1906

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Rédaction d'article :

Amélie Decaux

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