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Annick Vidal (1929 – 2020) Calvaire de l’église Saint-Félix par Raymond Delamarre

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Saint-Yves : une église, des "castors" et un club


Le quartier Saint-Yves est né sur les terres de l'ancien domaine du Bois-de-la-Musse. Centré autour de son église, ce quartier populaire et ouvrier se développe dans les années 1950.

De la chapelle à l'église paroissiale 1947-1957

Alors que l'Evêché souhaite construire une nouvelle chapelle à l'ouest de Chantenay, un terrain situé au Bois-de-la-Musse est acquis le 19 mai 1946, le jour de la Saint-Yves. Le chantier confronté à des difficultés financières, administratives, et aux pénuries en matériaux, ne commence qu'à l'automne 1947. La chapelle inachevée ainsi que la cloche « Maryvonne » sont bénites le 6 mai 1948, jour de l'Ascension. Il s'agit d'une simple baraque en bois de 25 m sur 6 m, construite en pleine campagne, sur l'actuel terrain de l'Espérance Saint-Yves. Au cours de l'été, l'entreprise Joseph Paris octroie 10 000 francs pour la construction du clocher. Le centre religieux est officiellement érigé en chapellenie le 24 février 1953.

Sitôt la première église bâtie, les fidèles réclament la construction d'une église en dur. L'église Saint-Yves-de-la Musse (ou Saint-Yves-de-Chantenay), œuvre des architectes Tessier et Turmel, est finalement inaugurée le 30 juin 1957.

Eglise Saint-Yves-de-Bellevue

Eglise Saint-Yves-de-Bellevue

Date du document : sans date

Située à flanc de coteau, l'église a été construite sur une terrasse en surplomb de la rue Marange-Sylvange et de l'ancienne chapelle. Caractéristique de la période la Reconstruction, l'architecture de cette église à nef unique est sobre. " Longue de 30 m, large de 20, haute de 8m50, elle fut dotée d'un vaste chœur qui occupe le tiers de la surface. La voûte métallique est très particulière dans sa forme. L'autel est en retrait et surélevé. Les vitraux sont tapis de couleurs aux jeux simples et lumineux . Enfin le clocher est constitué de deux croix servant de support à deux cloches." (La Résistance de l'Ouest publie le 20 juin 1957). Le 15 décembre 1958, la chapellenie Saint-Yves devient paroisse, consécration pour ce territoire pastoral récent et signe de l'accroissement de sa population.

C'est qu'entre temps le quartier s'est construit.

Le lotissement des « castors » Saint-Yves 1954-1957

En 1954, le Comité Ouvrier du Logement (C.O.L.) fait une demande d'autorisation de lotissement pour la construction de logements économiques et familiaux, sur deux terrains situés de part et d'autre du centre paroissial Saint-Yves, entre les actuelles rues de Pessac et des Frères-Amieux. Ce lotissement comprend 54 lots. Il est voisin des maisons castors de la rue du Bois-de-la-Musse, construites dans le même temps et nées de la même initiative. Le lotissement Saint-Yves décline quatre modèles de maisons individuelles. En tout, ce sont 80 familles qui s'y installent. En 1956, 14 parcelles supplémentaires sont créées, permettant l'extension des constructions le long de la rue Marange-Sylvange.

Lotissement Saint-Yves, plan de masse

Lotissement Saint-Yves, plan de masse

Date du document : 12-04-1954

Les locataires attributaires sont choisis parmi les familles modestes, souvent recrutées par le biais des associations telles la Jeunesse ouvrière chrétienne ou le Mouvement Populaire des Familles.
Ils doivent respecter un même cahier des charges pour la construction des maisons, selon le principe de l'autoconstruction. Moyennant leur force de travail mise au service du chantier collectif puis le versement d'une contribution financière et d'un loyer sur vingt ans, ils deviennent propriétaires de leur bien.
Quant au C.O.L., il a en charge du respect du cahier des charges, négocie les prix des matériaux achetés en gros et comptabilise les temps de travail hebdomadaires des allocataires.  
L'aménagement des rues et trottoirs, de l'adduction d'eau, l'éclairage, l'adressage et la dénomination des voies lui incombent également.

Lotissement Saint-Yves, maisons de type B

Lotissement Saint-Yves, maisons de type B

Date du document : 10-10-2019

Les castors de Bellevue s'inspirent directement de l'expérience pionnière de la « Claire-Cité » à Rezé. C'est d'ailleurs le C.O.L. de Rezé qui dépose le premier permis de construire pour les castors de Bellevue. La naissance et le développement des castors s'expliquent par le contexte de pénurie de logements et la difficulté des plus pauvres à accéder à la propriété. Ce mouvement qui met en avant la reconnaissance de la valeur-travail et la primauté du collectif, peut être compris comme une réponse alternative apportée par les intéressés aux-mêmes, face au centralisme de l'Etat qui réglemente la politique du logement à l'échelle nationale. ( Ce qui n'empêchera pas l'Etat d'assurer son contrôle en imposant aux C.O.L. ses normes H.L.M. pour l'obtention des prêts).

L'esprit des castors s'exprime à travers leurs statuts (8 janvier 1950).
« Dans la société actuelle, nous sommes individuellement des faibles, des exploités. Exploités dans notre travail qui n’est pas suffisamment payé, exploités dans nos logements où nos gosses manquent d’air.
Mais un fort ne peut rien contre des faibles qui s’unissent. Seul, chacun de nous ne pourrait se libérer de sa situation, ni bâtir sa maison ; ensemble, nous y parviendrons. Pour poser cet acte d’homme libre, il faut vouloir l’épanouissement complet de la personne humaine.
Celui qui vient avec l’idée de bâtir seul sa maison, pour ignorer ensuite tous les autres, n’a rien à faire dans notre Société.
Nous ne bâtirons pas chacun notre maison, mais nous bâtirons ENSEMBLE NOTRE CITE. »

Résidents des Castors devant les maisons en construction

Résidents des Castors devant les maisons en construction

Date du document : 1955

Les castors ont donné naissance à des formes de sociabilité et de solidarité, qui, à Bellevue, s'organisent en premier lieu à travers le C.O.L., mais aussi à travers les mouvements de jeunesse catholiques et de patronage. La présence du centre religieux, antérieur aux habitations, y est sans doute pour beaucoup.

Un club né en 1953

L'Espérance Saint-Yves est née officiellement en 1953 à l'initiative de l'abbé Joseph Lemaur, vicaire de Saint-Martin promu chapelain de Saint-Yves la même année. Le club naît en même temps que se construisent les cités castors du Bois-de la Musse et de Saint-Yves.

Aux abords de la chapelle Saint-Yves, un terrain accidenté tenait lieu de terrain de jeux pour les jeunes du quartier. Ils y  organisaient des matchs amicaux qui les opposaient aux Métallos Sport ou aux gars de la cité Blanchard (cité d'urgence de Saint-Herblain).

En 1951, l'abbé Lemaur et quelques bénévoles réalisent les travaux de nivellement et de construction. Le curé de Saint-Martin témoigne " Monsieur l'Abbé Lemaur travaille à Saint-Yves avec ardeur. L'aspect du terrain n'est plus le même. Depuis six mois, il travaille souvent seul à la construction d'une salle de patronage de 16 m sur 8 m qui à Noël est à peu près achevée".

A cette première salle de réunion, en succède une autre en février 1954,  plus grande (21 m/ 14,5m), qui sert de salle de cinéma d'une capacité de 400 à 500 personnes.

A ses débuts, le patronage promeut diverses activités sportives et culturelles : football, motocross mais aussi cinéma, chorale et danse folklorique avec le groupe des "Farfadets". Dans les années 1950-1960, l'Espérance Saint-Yves est un lieu de convivialité très fréquenté par les habitants du quartier.

Espérance Saint-Yves – entraînement de foot

Espérance Saint-Yves – entraînement de foot

Date du document : 04-04-2011

Et après 1970 ?

Après la boom pavillonnaire des années 1950, l'effort de construction se concentre ailleurs : la ZUP de Bellevue voit le jour et la population y afflue. Pour faire face à cet essor démographique, l'Evêché choisit en 1968 de déplacer le centre religieux de la paroisse Saint-Yves au cœur de la ZUP et d'y construire l'église Saint-Etienne.
Le quartier Saint-Yves avec ses nombreuses familles n'est plus l'épicentre du quartier. L'église a fermé, remplacée par une menuiserie jusqu'en 2018. Les nombreuses activités culturelles de l'Espérance Saint-Yves ont disparu, le club se recentrant sur le football. Mais, aujourd'hui, de nouvelles familles s'y installent et ce renouvellement s'accompagne d'une volonté de recréer une vie de quartier.

Irène Gillardot
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2020

 



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En savoir plus

Bibliographie

L'Espérance Saint-Yves fête ses 50 ans, Nantes, 2003

« L'Espérance Saint-Yves, un club qui a la foi », L'Ecrit de Bellevue, n°65, juin 2009

« Les derniers castors de Bellevue », L'Ecrit de Bellevue, mars 2017

« Castors : histoire d'une construction », L'Ecrit de Bellevue, avril 1992

Webographie

Les Castors de la Claire-cité à Rezé Lien s'ouvrant dans une nouvelle fenêtre

Pages liées

Cité des Castors de l'Erdre

Domaine du Bois-de-la-Musse

Tags

Bellevue - Chantenay - Sainte Anne Logement social et grand ensemble Église

Contributeurs

Rédaction d'article :

Irène Gillardot

Anecdote :

Jean Buronfosse , 

Témoignage :

Rémi et Christaine Turcot

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