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Hollandais


De la présence hollandaise à Nantes restent l’image, un peu exagérée, des techniciens en matière de travaux aquatiques, des pompages de 1483 au dragage de la Loire en 1753, et un lieu emblématique, la place de la Petite Hollande, parking mais aussi marché coloré et lieu de rassemblement occasionnel : beaucoup au regard d’un rôle historique qui n’a réellement compté qu’un peu plus d’un demi-siècle.

Les premières installations à Nantes de marchands hollandais ne remontent en effet qu’aux années 1620, mais ils occupent rapidement une place si éminente qu’en 1654 ils contrôleraient les trois quarts du négoce nantais. Ce dynamisme, qui repose sur une colonie d’un peu plus de 300 personnes à son apogée, tient au niveau culturel de ces amateurs de livres – même leurs épouses sont quasiment toutes alphabétisées – et de peinture – Hendrik et Marten Doomer accueillent ainsi en 1646 à la Fosse leur frère Lambert, un élève de Rembrandt –, et surtout à leur excellente maîtrise des techniques commerciales. Restant à l’écart de la Bourse créée en 1641 mais contrôlée par les Nantais alliés aux Espagnols, les Hollandais se réunissent deux ou trois fois par semaine sur une place proche – que l’on appelle bientôt « place de Hollande » – pour discuter affaires et fixer le cours des produits qui les intéressent, très divers même s’ils s’orientent de plus en plus vers la distillation de l’eau-de-vie, le raffinage du sucre (à partir de 1673), et bien plus accessoirement la brasserie (à partir de 1681). Leurs méthodes, souvent discutées – on les accuse par exemple de mêler amidon et même sable fin à leur sucre, et le raffineur de sucre Albert Wygman s’attire les vifs reproches du consistoire pour obliger ses ouvriers à travailler le dimanche –, suscitent des jalousies d’autant plus vives qu’ils raillent volontiers le manque de compétence des marchands locaux.

Du moins est-ce la perception de leurs concurrents nantais, fortement avivée par l’hostilité très vive à l’encontre de calvinistes qui, dans les années 1670-1680, portent littéralement à bout de bras une communauté protestante dont ils représentent alors près des deux tiers. Ces Nantais, soutenus par la ville, mènent deux offensives collectives contre les Hollandais, en 1644 au prétexte de relations directes avec des fournisseurs de l’intérieur du royaume, et en 1656 pour une question très technique de taille de futailles, en ostensible soutien aux tonneliers locaux qui seraient concurrencés par les artisans hollandais du quai de la Fosse. Marchands nantais et municipalité perdent des procès voués à l’échec, devant le Conseil du roi autant que devant le Parlement de Bretagne. La Ville adopte au contraire une position de soutien après la guerre de Hollande, qui lui a fait prendre conscience de l’importance du négoce hollandais, alors même que la monarchie, désormais obnubilée par la question religieuse, retire son soutien aux trop calvinistes Hollandais. Le malentendu aura donc été total entre Nantes et ses Hollandais.

Il s’aggrave en outre avec la révocation de l’édit de Nantes en 1685. La catastrophique image extérieure de la France est notamment nourrie par la publication dans la Gazette de Haarlem du témoignage d’un Hollandais de Nantes, Jacob De Bie, qui évoque les dragonnades, et bien sûr par les départs, clandestins ou habilement dissimulés par le maintien à Nantes d’un membre de la famille ou de subtils montages financiers destinés à éviter ou limiter les confiscations de biens. Des procédures se poursuivent cependant jusqu’en 1726, lorsque la famille Van Haerzel, deuxième fortune de la place, quitte définitivement Nantes. L’influence des marchands hollandais, de l’extérieur désormais, n’en reste pas moins déterminante ensuite dans le commerce de l’eau-de-vie et dans l’orientation du vignoble nantais.

Les quelques Hollandais du 18e siècle, devenus quasiment tous catholiques, sont perçus comme des négociants bien plus que par l’origine de leur famille. Ils s’engagent, banalement, dans tous les secteurs d’activité lucratifs, de la traite négrière à la fabrication d’indiennes, et s’associent même à la pétition de 1784 dans laquelle les négociants réclament l’interdiction aux étrangers du commerce colonial…

C’est, symboliquement, la fin de l’originalité hollandaise, qui ne se manifeste plus ensuite que par des cas individuels, à l’exemple de ces immigrés récents qui prennent fait et cause pour la République en 1793.

Alain Croix
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

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