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Anne-Claude Godeau (1938 – 1962)


Le 8 février 1962, à Paris, une manifestation contre l’OAS et pour la paix en Algérie est violemment réprimée par la Police. On relève neuf morts. Parmi les victimes, une jeune Nantaise : Anne-Claude Godeau.

Née au sein d’une famille cégétiste et communiste, elle est l'aînée des cinq filles d'Adrien et Blanche Godeau. Téléphoniste auxiliaire aux PTT en mai 1958 à Nantes, elle adhère à la CGT lors d'une grève, comme l'a relaté une de ses anciennes collègues : « Je faisais le piquet de grève, et elle ne savait pas si, étant auxiliaire, elle devait assurer son service ou si elle restait avec nous ». Elle est restée. En février 1960, elle quitte la cité des ducs pour Paris et son Centre des chèques postaux.

Engagée contre l’Algérie française

La guerre d'Algérie touche à sa fin, l’issue ne fait plus de doute : l’Algérie ne sera bientôt plus un département français mais un État indépendant. Ce destin inéluctable fait enrager les partisans les plus radicaux de l’Algérie française. Leur bras armé, l'OAS (Organisation armée secrète), multiplie alors les attentats contre les « traîtres », hommes politiques ou intellectuels. Le 7 février au soir, un appel syndical unitaire (CGT, CFTC, UNEF) est lancé, auquel s'associent partis et associations (Parti socialiste unifié, Parti communiste français, Mouvement de la Paix…), en réaction à un nouvel attentat visant l’écrivain et ministre gaulliste André Malraux ; explosion qui a fait une victime : une fillette de 4 ans, Delphine Renard, défigurée.

Avant de manifester, Anne-Claude Godeau écrit à ses parents : « Ce soir je vais à une manifestation à la Bastille, encore interdite ; je me mettrai en tenue sport et, en tournant et retournant par les petites rues, je parviendrai bien à rejoindre un groupe. » Le Préfet de police Maurice Papon a en effet été clair : les policiers devront « faire preuve d'énergie » pour empêcher que les différents cortèges ne se rejoignent sur la Place de la Bastille.

Une répression organisée par le préfet de police Maurice Papon

Au métro Charonne, les manifestants sont au nombre de 4000. Une charge violente provoque la débandade, des manifestants cherchent refuge dans le métro mais dans la bousculade, certains tombent. Un jeune plombier, François Virlouvet, se souvient : « Les gens étaient les uns sur les autres, hurlaient et les [compagnies spéciales d’intervention] continuaient à matraquer », tout cela dans les nuages de lacrymogènes. Anne-Claude Godeau meurt, étouffée, comme huit autres manifestants. Ils ont pour noms Jean-Pierre Bernard (30 ans, postier), Fanny Dewerpe (31 ans, secrétaire), Daniel Féry (15 ans, apprenti), Hippolyte Pina (58 ans, maçon), Édouard Lemarchand (40 ans, employé de presse), Suzanne Martorell (36 ans, employée à L’Humanité), Raymond Wintgens (44 ans, typographe), Maurice Pochard (48 ans, employé de bureau). Toutes les victimes étaient syndiquées à la CGT et pour la plupart, membre du PCF. L’émotion est grande dans la population, le gouvernement est sur la sellette. Alors, il fustige les responsables, d’obscurs « provocateurs » venus là pour en découdre avec les forces de l’ordre, et salue l’efficacité avec laquelle Maurice Papon, ancien préfet sous Vichy, a ramené l’ordre à Paris…

Alors qu’un assourdissant silence a suivi la répression de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961 (des milliers d’arrestations, des centaines de blessés et sans doute des dizaines de morts), l’activité mémorielle se met en place très vite pour les victimes de Charonne. Le 13 février, une immense manifestation accompagne au Père-Lachaise, près du mur des fédérés, les dépouilles des victimes parisiennes. Anne-Claude Godeau est enterrée le lendemain au cimetière nantais du Pont du Cens, en présence de 25 000 personnes selon L'Humanité. Syndicats et partis déposent plusieurs centaines de gerbes et couronnes, le secrétaire de la fédération postale CGT-PTT intervient au nom de toutes les organisations syndicales.

En Loire-Atlantique, les syndicalistes tiennent depuis à honorer sa mémoire : des militants lui rendent hommage tous les ans, une rue nantaise porte son nom tout comme une salle de la Maison du peuple de Saint-Nazaire. Des « clubs » Anne-Claude Godeau ont été créés à Nantes, Berlin et Moscou. À Paris, une plaque commémorative a été apposée dans la station de métro, et une place, toute proche, est nommée place du 8 février 1962. À l'entrée du bâtiment des Chèques postaux, une autre plaque honore la mémoire de deux victimes : Anne-Claude Godeau (24 ans) et Jean-Pierre Bernard, dessinateur (30 ans).

Centre d’histoire du travail
2021

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En savoir plus

Bibliographie

Dewerpe, Alain, Charonne, 8 février 1962, Gallimard, Folio histoire, 2006

Boursicot, Josette, Il y a 40 ans Charonne, CGT-PTT 44, 2002

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Rédaction d'article :

Christophe Patillon

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